Cette recette est un paradoxe. Composé d’ingrédients
du placard chez nous, le picadillo de
viande de bœuf est issu d’un pays dans lequel tuer une vache, est un
crime passible de 10 ans de taule. Un cas probablement unique dans la jurisprudence
intergalactique.
Titre V - Chapitre XVI du code pénal cubain - Sacrifice de gros bétail et vente de viande -
Article 240.1 : Le sacrifice de gros bétail sans autorisation préalable
des autorités étatiques pertinentes est passible de 4 à 10 ans d’emprisonnement.
Le transport et l’achat de viande de bœuf
illégalement tué sont, à l’identique, passibles de sanctions pénales. Et même une
amende pour celui qui achève une vache à l’agonie victime d’un accident quelconque.
Sachez donc, si un jour vous vous réincarnez en bovidé, qu’il y aura pour vous
deux paradis sur terre : l’Inde et Cuba.
Alors évidemment, même si tuer un bœuf est
interdit dans l’île depuis 1962, date à laquelle Fidel a décrété que la vache
cubaine n’était plus un aliment mais un outil de production, aucun cubain
lambda n’a plus vraiment cuisiné de picadillo a la habanera depuis 1990 et les années terribles de casi-famine du periodo especial (la chute du mur et donc la fin des subventions de l’URSS
vers son satellite tropical).
Pour pouvoir manger du bœuf de nos jours, il
faut être touriste séjournant dans un hôtel, parvenu pouvant se permettre le luxe de
manger dans un paladar, proche du
pouvoir, ou privilégié vivant des remesas
(virements mensuels) des 3 millions de cubains expatriés de façon plus ou moins
légale à l’étranger (source de revenus globale de 3 milliards de dollars par
an). Evidemment on trouve un peu de bœuf importé dans les supermarchés en CUC (la
monnaie des touristes) de Miramar, à un prix équivalent à un mois de salaire
moyen cubain au kilo. Au marché noir aussi, sorti directement des hôtels par la
porte de derrière comme au moins 25% de leurs approvisionnements (la plus
grosse démarque inconnue au monde) pour des montants un peu moindres, mais
toujours inabordables pour un ouvrier cubain payé 20 dollars par mois et dont
le panier alimentaire provient en grande partie de la libreta (livret de rationnement) totalement exempt de viande de bœuf.
Alors voici donc une des recettes cubaines les
plus connues, à base de bœuf, l’or rouge dont les cubains n’ont plus vu la
couleur depuis 25 ans.
Mais ils n’en sont plus à un paradoxe près.