La cuisine est une
expérimentation permanente qui draine son lot d’échecs. Même ceux qui vous
mettent en permanence l’eau à la bouche et qui font des photos de bouffe à remplir
des musées se plantent, ratent, râlent, brûlent, renversent, oublient, et ont tous fait, un
jour ou un autre, des plats à la limite du consommable. Partant du principe qu’avec la bonne
dose d’autodérision nécessaire, les échecs font généralement bien plus marrer
que les réussites, j’ai décidé de ne pas omettre dans ce blog tous mes ratages aux
fourneaux, pour que ces longues heures passées dans mes marasmes culinaires ne
soient pas perdues pour tout le monde, et servent, à défaut d’autre chose, à
vous faire rire.
Je ne suis culinairement
curieuse de tout et de partout, et j’ai donc entrepris avec enthousiasme cette
recette allemande, même si mes seules expériences gastronomiques en la matière se
limitent lors de déplacements professionnels à un restau japonais, une Salade César et une
currywurst à Francfort, ainsi qu'un épouvantable sandwich à la charcuterie indéfinissable et au pain spongieux lors d’un salon
professionnel à Cologne, il y a 100 ans. Autant dire que la cuisine allemande, je n'y connais strictement rien. Je suis en revanche déjà tombée en
pâmoison devant un Apfelstrudel* acheté quelque part dans le Marais, et dont le
souvenir ému m’a fait considérer avec bienveillance la réalisation d’une
pâtisserie également issue du Saint Empire Romain Germanique.
Il est à noter toutefois que
mon intuition me fait, hélas, bien souvent défaut, et qu’une recette avec un nom de
claquement de porte dans la gueule aurait pourtant dû m’alerter…
Le
( la, les ?) Zwetschgenschnecken
D’abord y’a le jardin de
Pétronille qui, depuis quelques jours, est uniformément violet. Jonché
de milliers, de millions, que dis-je, de milliards de prunes, dont
j’aurais pu faire un usage intelligent et rationnel, comme par exemple … les
manger.
Sauf que je suis bloggeuse,
moi, Monsieur, et que chez ces gens-là on ne mange pas vulgairement les choses
: on les cuisine, Monsieur, on les cuisine.
Envers et contre tout, et surtout
le bon sens, en attaquant des recettes improbables à 20h un vendredi soir. Une
fois l’option « tarte classique » éliminée, l’option confiture exclue
(moi et la confiture c’est comme un casting de vache-qui-rit : Trop cuite,
trop liquide, trop acide, trop sucrée, trop dure…), que faire avec mes 2 kilos
de prunes ?
Et bien c’est simple
Monsieur, une recette improbable, imprononçable, infaisable et enfin
immangeable : Un roulé au prunes, recette allemande originale, en VO :
Zwetschgenschnecken.
A
vos souhaits, Monsieur, à vos souhaits.
D’abord
y’a une pâte, au goût d'pâte à pizza, avec de la farine et du Philadelphia,
tout juste sucrée, Monsieur, qu’il faut pétrir, qui est tellement molle qu’on
peut pas l’étaler, et qui colle à la table, puis qui colle au papier, puis qui
colle au rouleau, puis qui colle au couteau, qui en finit pas d’coller.
Et
puis il y a l’autre, la crème de prunes sucrée, plus vraiment une compote, pas
non plus une confiote, que j’ai mis 2 heures à faire, et que c’était pas
mauvais, encore un truc gâché, faut vous dire que chez ces gens-là, on cuisine
pas Monsieur, on cuisine pas … on sublime.
Et
puis, et puis, il y a les prunes, toutes gorgées de soleil, que j’ai lavées,
que j’ai dénoyautées, que j’ai
découpées, même que j’ai les doigts tout rouges, plus de trois jours après.
Même
qu’on étale tout ça, sur la pâte toute molle, avec des tas d’amandes qu'on a bien fait griller, et que
tout ça ça colle, et que ça ramollit, et que ça dégouline, et qu’il faut le
rouler, comme une bûche de Noël, puis tailler des morceaux, mais que c’est trop mou
pour ça, ma bûche est un gros tas, avec des trous par-ci, avec des trous
par-là.
Alors
pour un instant, je la bloque au frigo, espérant qu’elle durcisse avant de la
découper, alors pour un instant, pour un instant seulement, je crois que ça va
marcher, parce que chez ces gens-là
Monsieur, on ne se résigne pas Monsieur, on se résigne pas, on persiste.
Quand on l'a massacrée et jetée dans un plat, il faut tout mettre au four, doubler le temps indiqué, et même qu’après tout ça,
semblant c’est fait exprès, la pâte elle est pas cuite, elle pèse 100 kilos,
les prunes elles sont acides et elles ont rendu l’eau…et qu’il est tard
Monsieur … moi j’rends mon tablier.
La crème de prune, seule chose à sauver de la recette...
Le pire de tout c'est que ça a presque l'air bon, hein ? Ben non. La pâte a le gout de pizza même pas sucrée, la texture du mortier et la densité du métro de Tokyo aux heures de pointes. Le morceau ci-dessus lancé avec dextérité depuis ma fenêtre du 3e devrait sans doute pouvoir dégommer 2 ou 3 de ces saloperies de pigeons qui polluent le quartier.Hélas, je suis nulle au bowling.
La prochaine fois je fais un clafoutis.
Si malgré tout ce qui
précède ou par défi, vous voulez toujours essayer par vous-même, la recette d’origine est
ICI en anglais (surtout ne mettez pas la quantité de levure indiquée dans la recette,
c’est une erreur manifeste, faites les modifications que vous jugerez pertinentes pour arriver à un résultat mangeable et tenez moi au courant des résultats).
*Apfelstrudel = Gâteau (autrichien)
délicieux, lui, composé d’une pâte feuilletée très fine, de pommes, raisins secs, cannelle,
orange…
PS: En plus de catapulte à pigeons, ça devrait faire une bonne punition pour les enfants : "Si t'es pas sage, tu m'écriras 100 fois : Je mange du / de la / des Zwetschgenschnecken devant le château de Hohenschwangau". Par SMS. Full text.