Je revois encore le sourire
sardonique de mon collègue, quand lors de mon premier voyage en
Chine en 1998, ils ont posé ce bol sous mon nez sur la table. A l’aspect et
l’odeur je n’aurai pas su trop où classer ça, mais quand ils ont apporté le
lait de coco et le sirop de sucre, j’ai compris que c’était un dessert. J’ai
prudemment arrosé ça de lait de coco, et innocemment, j’ai cru enfourner dans
ma bouche une cuillérée de tapioca.
C’est fade, voire insipide,
le goût prédominant sera donc celui de l’assaisonnement, dans ce cas le lait de
coco. En revanche cela n’avait à mon sens pas la texture du tapioca mais plutôt
celle de la graisse de viande refroidie, donc pas très agréable à mon palais
qui a immédiatement fait le rapprochement. J’en ai quand même avalé quelques
cuillères sans enthousiasme, avant d’entendre les murmures moqueurs autour de
la table : « Frog fat ».
En réalité, ce n’est pas si
simple que du gras de grenouille. Le hasma est issu de morceaux gras bien
particuliers, localisés près des trompes
de Fallope d’une grenouille que l’on trouve en Chine, Mongolie, et Corée du
Nord : la rana chensinensis. Ces
morceaux sont conservés séchés, puis réhydratés avant d’être cuisinés (ils
augmentent alors de 10 à 15 fois leur volume). Ils se servent bouillis, dans
ces soupes sucrées appelées tong sui,
et deviennent alors blancs pas tout à fait opaques, et très gluants et
gélatineux, ce qui m’a fait le confondre avec du tapioca.
C’est aussi un élément de la
pharmacopée chinoise, utilisé pour soigner les problèmes respiratoires.
Si vous avez l’occasion de
le tester, n’hésitez pas, après tout c’est un mets chinois très raffiné et
recherché. En toute objectivité gustativement pas terrible. Mais pas si
terrible que ça, non plus..