mardi 18 septembre 2012

Food factor épisode 2 : Le goût de la Coriandre


Avant qu’elle ne devienne mon aromate préféré avec la feuille de kaffir, j’ai haï la coriandre. Enfant ou ado, lors de mes rares sorties de l’époque au restaurant vietnamien, cette herbe très aromatique que je ressentais comme une violente agression sensorielle et dont je ne connaissais même pas le nom, me gâchait systématiquement ma soupe. Je m’appliquais à en extraire toutes les feuilles une à une, mais il restait invariablement dans le fond du bol quelques miettes passées au travers de mon inspection qui me pourrissaient la dernière gorgée, et me laissaient dans la bouche un épouvantable arrière-goût qui durait jusqu’à la fin des nems.  
Je n’ai aucun souvenir de la période ni des raisons pour lesquelles mes goûts ont changés. Aujourd’hui, alors que j’apprécie très modérément son cousin persil, je pourrais en revanche manger de la coriandre en taboulé, ou en « persillade » sur à peu près tout et n’importe quoi.   
C’est pourquoi 2 études scientifiques de première importance (juste après « Pourquoi le rideau de douche se colle toujours à toi quand t’es mouillé ? » Ou « pourquoi l’autre file a toujours l’air d’avancer plus vite ?") ont attisé ma curiosité : A ma grande perplexité, la haine de la coriandre serait en partie génétique.
Les membres du site web  I HATE CILANTRO  (si, si ) qui proclament  “En fait nous sommes les personnes les plus rationnelles au monde. Aucun être humain en état de fonctionnement normal ne peut considérer, à aucun moment de sa vie, la coriandre comme comestible »,  ont enfin un argument de poids pour justifier de leur « normalité ».
23&Me une société de biotechnologie californienne donc l’activité principale est l’analyse ADN des particuliers, a comparé les données génétiques de 25000 individus pour constater qu’un nombre significatif de ceux qui trouvent que la coriandre pue le savon ou la punaise écrasée (sic), posséderait un gène codant des récepteurs olfactifs, en particulier un, l’OR6A2, détecteur des aldéhydes (qui sont des composants clés du parfum de la coriandre, ainsi que du savon .... ainsi que des punaises).
L’institut Monell de recherche sur l’odeur et le goût (Philadelphie)  a publié la semaine dernière une autre étude  portant sur les perceptions sensorielles de différents goûts d' aliments (dont la coriandre) chez des jumeaux, montrant également l’existence d’une influence génétique sur celles-ci.
Parmi toutes ces preuves de "prédestination" qui vont totalement à l’encontre de mon expérience personnelle, la réponse la plus nuancée vient du Dr Gottfried, neuroscientifique de l’université de Northwestern, comme moi ex-coriandrophobe converti. Il rappelle que le goût et l’odeur ont une importance première dans l’instinct de survie et évoquent des émotions fortes, car ils étaient des sens critiques pour trouver de la nourriture en évitant les poisons et les prédateurs. Quand nous goûtons à une saveur nouvelle, le cerveau « scanne » en quelque sorte sa base de données pour trouver une expérience passée à laquelle elle appartient. Si ce goût ne rentre pas dans le cadre d’une expérience familière mais rappelle, par exemple, des produits détergents, le cerveau détecte la discordance et la menace potentielle, ce qui génère des réactions de rejet.
Heureusement, toute nouvelle expérience amène le cerveau à mettre à jour sa base de données et à pouvoir modifier la perception d’un aliment. Ouf.
« Je n’aimais pas la coriandre, explique-il, mais j’adorais manger et, par force, je la croisais régulièrement dans mon assiette. Mon cerveau a donc développé d’autres expériences liées à la coriandre, comme le plaisir d’autres saveurs qui lui étaient associées, ou les moments partagés en famille ou entre amis. Alors, j’ai commencé à l’aimer. Je trouve qu’elle sent toujours le savon mais ne la ressens plus comme une menace, et j’apprécie toutes ses autres qualités. En revanche, si après la première fois que j'y ai goûté j’avais refusé d’y toucher à nouveau, je n’aurais jamais eu aucune chance de modifier cette perception ».

C'est donc vrai ? Il suffit d'essayer de goûter 7 fois quelque chose, dans des conditions favorables, avant d'arriver à l'aimer ?
J’attends donc avec impatience que Jason Statham me fasse bouffer pendant une semaine des salsifis sur une terrasse en bois couverte de fleurs de frangipaniers et surplombant l'océan.

Je vous tiens au courant …


1 commentaire:

  1. J'ai assaisonné un de mes plats de coriandre oriental il y a quelques temps et mes amis m'ont tous demandé pourquoi mon plat avait un goût de savon :p

    Je vais leur faire lire ton article ^^

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