mardi 4 septembre 2012

Le massacre du mois : Le (la, les?) Zwetschgenschnecken


La cuisine est une expérimentation permanente qui draine son lot d’échecs. Même ceux qui vous mettent en permanence l’eau à la bouche et qui font des photos de bouffe à remplir des musées se plantent, ratent,  râlent, brûlent, renversent, oublient, et ont tous fait, un jour ou un autre, des plats à la limite du consommable. Partant du principe qu’avec la bonne dose d’autodérision nécessaire, les échecs font généralement bien plus marrer que les réussites, j’ai décidé de ne pas omettre dans ce blog tous mes ratages aux fourneaux, pour que ces longues heures passées dans mes marasmes culinaires ne soient pas perdues pour tout le monde, et servent, à défaut d’autre chose, à vous faire rire.
Je ne suis culinairement curieuse de tout et de partout, et j’ai donc entrepris avec enthousiasme cette recette allemande, même si mes seules expériences gastronomiques en la matière se limitent lors de déplacements professionnels  à un restau japonais, une Salade César et une currywurst à Francfort, ainsi qu'un épouvantable sandwich à la charcuterie indéfinissable et au pain spongieux lors d’un salon professionnel à Cologne, il y a 100 ans. Autant dire que la cuisine allemande, je n'y connais strictement rien. Je suis en revanche déjà tombée en pâmoison devant un Apfelstrudel* acheté quelque part dans le Marais, et dont le souvenir ému m’a fait considérer avec bienveillance la réalisation d’une pâtisserie également issue du Saint Empire Romain Germanique.
Il est à noter toutefois que mon intuition me fait, hélas, bien souvent défaut, et qu’une recette avec un nom de claquement de porte dans la gueule aurait pourtant dû m’alerter…


Le ( la, les ?) Zwetschgenschnecken

D’abord y’a le jardin de Pétronille qui, depuis quelques jours, est uniformément violet. Jonché de milliers, de millions, que dis-je, de milliards de prunes, dont j’aurais pu faire un usage intelligent et rationnel, comme par exemple … les manger.
Sauf que je suis bloggeuse, moi, Monsieur, et que chez ces gens-là on ne mange pas vulgairement les choses : on les cuisine, Monsieur, on les cuisine.
Envers et contre tout, et surtout le bon sens, en attaquant des recettes improbables à 20h un vendredi soir. Une fois l’option « tarte classique » éliminée, l’option confiture exclue (moi et la confiture c’est comme un casting de vache-qui-rit : Trop cuite, trop liquide, trop acide, trop sucrée, trop dure…), que faire avec mes 2 kilos de prunes ?
Et bien c’est simple Monsieur, une recette improbable, imprononçable, infaisable et enfin immangeable : Un roulé au prunes, recette allemande originale, en VO : Zwetschgenschnecken.
A vos souhaits, Monsieur, à vos souhaits.
D’abord y’a une pâte, au goût d'pâte à pizza, avec de la farine et du Philadelphia, tout juste sucrée, Monsieur, qu’il faut pétrir, qui est tellement molle qu’on peut pas l’étaler, et qui colle à la table, puis qui colle au papier, puis qui colle au rouleau, puis qui colle au couteau, qui en finit pas d’coller.
Et puis il y a l’autre, la crème de prunes sucrée, plus vraiment une compote, pas non plus une confiote, que j’ai mis 2 heures à faire, et que c’était pas mauvais, encore un truc gâché, faut vous dire que chez ces gens-là, on cuisine pas Monsieur, on cuisine pas … on sublime.
Et puis, et puis, il y a les prunes, toutes gorgées de soleil, que j’ai lavées, que j’ai  dénoyautées, que j’ai découpées, même que j’ai les doigts tout rouges, plus de trois jours après.
Même qu’on étale tout ça, sur la pâte toute molle, avec des tas d’amandes qu'on a bien fait griller, et que tout ça ça colle, et que ça ramollit, et que ça dégouline, et qu’il faut le rouler, comme une bûche de Noël, puis tailler des morceaux, mais que c’est trop mou pour ça, ma bûche est un gros tas, avec des trous par-ci, avec des trous par-là.
Alors pour un instant, je la bloque au frigo, espérant qu’elle durcisse avant de la découper, alors pour un instant, pour un instant seulement, je crois que ça va marcher,  parce que chez ces gens-là Monsieur, on ne se résigne pas Monsieur, on se résigne pas, on persiste.
Quand on l'a massacrée et jetée dans un plat, il faut tout mettre au four, doubler le temps indiqué, et même qu’après tout ça, semblant c’est fait exprès, la pâte elle est pas cuite, elle pèse 100 kilos, les prunes elles sont acides et elles ont rendu l’eau…et qu’il est tard Monsieur … moi j’rends mon tablier.
La crème de prune, seule chose à sauver de la recette...


Le pire de tout c'est que ça a presque l'air bon, hein ? Ben non. La pâte a le gout de pizza même pas sucrée, la texture du mortier et la densité du métro de Tokyo aux heures de pointes. Le morceau ci-dessus lancé avec dextérité depuis ma fenêtre du 3e devrait sans doute pouvoir dégommer 2 ou 3 de ces saloperies de pigeons qui polluent le quartier.Hélas, je suis nulle au bowling.
La prochaine fois je fais un clafoutis.
Si malgré tout ce qui précède ou par défi, vous voulez toujours essayer par vous-même, la recette d’origine est ICI en anglais (surtout ne mettez pas la quantité de levure indiquée dans la recette, c’est une erreur manifeste, faites les modifications que vous jugerez pertinentes pour arriver à un résultat mangeable et tenez moi au courant des résultats).

*Apfelstrudel = Gâteau (autrichien) délicieux, lui, composé d’une pâte feuilletée très fine, de pommes, raisins secs, cannelle, orange…
PS: En plus de catapulte à pigeons, ça devrait faire une bonne punition pour les enfants : "Si t'es pas sage, tu m'écriras 100 fois : Je mange du / de la / des Zwetschgenschnecken devant le château de Hohenschwangau". Par SMS. Full text.

2 commentaires:

  1. Recette ratée dites-vous ? Pourtant.... je me suis régalée.... à la lecture de votre succulent article nous faisant partager toutes les péripéties liées à « l’exécution » de ce « zwetsch ….je n’sais plus » C’est certain que je ne m’y risquerai pas. Bonne fin de soirée. Et surtout merci pour tout ce que vous publiez. Jeanne-Hélène

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  2. Moi je dis hahahaha, j'ai adoré ton article blindé d'humour -j'ai eu la vision fugace de Brel chantant ta recette- (et en plus, c'est vrai, il a l'air bon ce saligaud. Morale : ne jamais se fier aux photos culinaires, jamais!)

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